Le contrôle des arrêts de travail

Déni du droit aux indemnités journalières.

Noëlle Lasne
médecin du travail

En 2012, le gouvernement envisage de réduire le paiement des indemnités journalières en instituant des jours supplémentaires de « carence » en cas d’arrêt de travail. Les explications de Laurent Wauquiez, ministre et porte-parole de l’UMP sont les suivantes : « Si jamais, quand vous tombez malade, cela n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n’est pas très responsabilisant .Quelqu’un qui est en arrêt maladie, il faut qu’il se rende compte : tout ça, ça coûte à la Sécurité sociale. Celui qui va travailler même malade, ne peut pas payer pour des gens qui n’en ont rien à faire et, parce que c’est gratuit, tirent sur un tiroir-caisse ». Et de conclure : « Être payé quand on est malade n’est pas très responsabilisant ».
Ces déclarations méritent d’être regardées de près : celui qui tombe malade et auquel son médecin prescrit un arrêt de travail devient improductif. Ce seraient donc les autres qui paieraient pour lui, et grâce au travail des autres qu’il bénéficierait d’indemnités. De cela, il devrait se sentir redevable, voire responsable. On pourrait objecter tout simplement que lui aussi contribue, par la voie de ses cotisations, à la protection sociale. Mais il ne s’agit pas de faire valoir un droit. Il s’agit d’adopter une tenue morale, qui consiste à aller travailler en étant malade. Ceux qui acceptent l’arrêt de travail seraient des profiteurs. L’arrêt de travail serait donc une sorte d’arrangement commode pour les plus irresponsables de nos concitoyens.
Ces propos ne se situent ni dans le champ d’une protection sociale solidaire ni dans le champ du droit, ni dans le champ de l’exercice médical. Prescrire un arrêt de travail n’est ni un geste responsabilisant ni un geste déresponsabilisant. L’exercice médical ne consiste pas à responsabiliser les patients. Ce n’est tout simplement pas notre travail. Nous soignons les bons et les méchants, les flemmards et les travailleurs, les responsables et les irresponsables. Le soin médical n’a pas à être mérité, mais à être possible. Il n’y a pas de morale dans le corps humain.
Pourtant, lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale pour 2012, Xavier Bertrand annonce vouloir contrôler tout autant le médecin prescripteur d’arrêt de travail que le fraudeur. Bien sûr, on commencerait par ceux qui prescrivent par exemple « cinq fois plus d’arrêts de travail que la moyenne ». Il est question de fixer un objectif de réduction des prescriptions pour les gros prescripteurs d’indemnités journalières. Il est aussi question de développer des « référentiels » de prescription pour la durée des arrêts de travail : tant de jours pour un lumbago aigu, tant de jours pour une tendinite de l’épaule, etc. Et surtout, de développer une innovation : faire payer aux patients qui exagèrent les excédents perçus sous forme d’amende. Mais qu’est-ce qu’un faux arrêt de travail ? Cela reste à définir.


Fraude : comment faire un débat national avec 780 dossiers ?
Sur l’ensemble des fraudes sociales qui représentent 460 millions d’euros en 2010 et dont la plupart sont du travail dissimulé par les employeurs, le montant des fraudes à la Sécurité sociale se monte à 150 millions d’euros.
Le volume de fraude le plus important est celui des établissements de soins (professionnels et transporteurs).
Le volume de fraude le plus faible est celui des bénéficiaires de la CMU et de l’AME :
2, 5 millions sur le droit à la CMU ou à L’AME dont 0,8 millions pour les fraudes sur les conditions de ressources,
1,7 million pour les fraudes sur l’identité.
Ces fraudes sociales représentent 780 dossiers. 


Programme santé de l’UMP pour 2012 
Renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes.
Création d’un FBI de la lutte contre les fraudes fiscales et sociales.
Mise en place d’une carte sociale biométrique sécurisée.
Instauration d’un fichier national des fraudeurs sociaux.


par Noëlle Lasne, Pratiques N°57, avril 2012

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