Grève des confiseurs

Philippe Lorrain,
médecin généraliste

Les patients m’interpellent : ferez-vous grève à Noël ? Radios et journaux dressent déjà le tableau : cabinets fermés, surcharge des urgences hospitalières. Jolie grève qui ne bouleversera pas les habitudes. Les spécialistes reporteront à plus tard leurs interventions, beaucoup de généralistes seront en vacances, méritées, mais sans concertation. Les services d’urgences assureront l’intendance du cul de l’an.
Je participerai, avec mes collègues au cabinet, à une permanence. Nous y afficherons notre opposition à cette grève, comme nous l’avons affichée le 30 septembre, lors de celle des professions libérales réglementées. Cette mission de service public que je partage avec ces professionnels m’honore et je l’accepte.
Perdre mon statut libéral ne m’inquiète pas, la charte de la médecine libérale (liberté d’installation, de choix du médecin et de fixer librement des honoraires directement perçus) date de 1927 : je ne vais pas m’y arc-bouter. 1945 est intervenue, avec les ordonnances instaurant la Sécurité sociale. De jeunes médecins disent aussi ne pas y tenir, qui tardent à s’installer et aspirent à d’autres types d’exercice.
Ce qui m’inquiète ? Les conditions de notre mission de service public. Nous devons discuter avec les tutelles (gouvernement, Sécu) des moyens qui incluent les modes d’exercice et leur rémunération, pour exercer notre métier dans le respect de notre indépendance professionnelle : celle qui nous permet de tenter de proposer la meilleure solution thérapeutique sans avoir à connaître ni le revenu, ni la qualité de la complémentaire de chacun de ceux qui viennent nous consulter.
Augmenter les tarifs, refuser le tiers payant... Vieilles antiennes ! Sur fond de refus par les médecins de partager le pré carré de leur champ d’intervention !
Et alors ! Je serais bien content de pouvoir partager l’énorme travail que suppose la satisfaction des soins primaires avec d’autres soignants. Demandons-leur s’ils sont intéressés pour travailler ensemble.
Et alors ! Je serais bien content de généraliser la pratique du tiers payant via le système Vitale à condition que l’Assurance maladie en assure le paiement intégral, à charge pour elle de s’organiser avec les complémentaires.
Bonne trêve des confiseurs.
Participons à la mobilisation citoyenne qui contraindra le gouvernement à assumer sa responsabilité de garant de nos missions de service public.
Et pourquoi pas, dès 2015, quelques réalisations des utopies que porte Pratiques  ?


par Philippe Lorrain, Pratiques N°67, octobre 2014

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