Exaspération d’une généraliste

Anne Surrault,
Médecin généraliste

Médecin en Vendée, je suis interpellée par les conséquences sur la santé des mesures prises pour faire face à l’épidémie de la Covid-19 dans ce département. Après cinq semaines de confinement et la fermeture des espaces naturels comme la forêt, le bord de mer, les pistes cyclables, je constate plus de souffrances liées à ces mesures que de cas suspects de Covid-19.
À savoir, qu’au 18 avril 2020, 24 décès liés à la Covid-19 sont recensés en Vendée pour 680 000 habitants.

Je suis interpellée par le ras-le-bol d’un routier qui sillonne la France pour approvisionner les points alimentaires, avec obligation de manger, de se laver, de dormir confiné dans son camion et de faire ses besoins là où il peut.
Je suis interpellée par le traumatisme d’un couple d’anciens d’avoir été verbalisés pour s’être rendus, ensemble, faire leurs courses, alors que Monsieur marche très mal et Madame ne conduit pas.
Je suis interpellée par une patiente fragilisée par l’isolement, la solitude qui rechute dans l’alcoolisation, après plusieurs mois de sevrage.
Je suis interpellée par un jeune choqué par un passage à tabac d’un adulte qui n’avait pas son attestation de sortie.
Je suis interpellée par une mère de famille monoparentale, épuisée entre les tâches ménagères, l’éducation, l’accompagnement scolaire, le téléchargement des cours des uns et des autres, des attestations multiples, la gestion des courses, des conflits entre petits et grands et le télétravail.
Je suis interpellée par la tristesse d’une mère de ne pouvoir nettoyer la tombe de son fils à cause de la fermeture des cimetières.
Je suis interpellée par les insomnies, la boule au ventre de tous les entrepreneurs dont l’activité est gelée et qui sont à deux doigts de couler.
Je suis navrée d’être dans l’impossibilité de leur prescrire des choses simples, efficaces et gratuites comme une balade à vélo, en forêt ou en bord de mer.

Je demande aux autorités de réviser les mesures de confinement qui s’avèrent, dans certaines localités, plus délétères que la Covid-19 et de s’interroger sur l’absence totale de contrôle sanitaire pour les passagers débarquant des quatre coins du monde à l’aéroport de Charles de Gaulle.

Je compte sur vous, j’ai besoin de vous pour m’aider à accompagner la santé des patients, d’une façon cohérente, face à la crise sanitaire de la Covid-19.


par Anne Surrault, Pratiques N°90, juillet 2020

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