Et si on les rééduquait ?

Anne Perraut Soliveres
Cadre supérieur infirmier, praticien-chercheure

Il y a des jours où certains politiciens seraient bien inspirés de rester chez eux. Ce cher Monsieur F (très très cher si l’on en croit les affaires qui se succèdent) a perdu l’occasion d’une bonne grasse matinée, car après tout, si la vraie vie des petites mains l’indiffère, rien ne l’oblige à faire semblant de s’y intéresser. Sa visite d’une maison de retraite à Bry sur Marne, le 23 février 2017, en dit davantage sur le personnage et son programme politique que tous les discours. La rencontre fut très brève avec quelques soignants « essentiellement de la CGT » s’est empressée de signaler une dame dont nous ne savons pas qui elle est, ceci expliquant peut-être cela... À aucun moment il ne semble désireux d’entendre ce que lui disent les soignants, pas plus qu’il ne manifeste la moindre sympathie à leur égard. Il est évident que tout les sépare, les revenus, les valeurs et surtout la conception du « vrai » travail (et on ne parlera pas des costumes...). Le visiteur a l’air de n’avoir qu’une envie, en finir avec cet exercice de figuration et ses réponses laconiques en disent long sur son incompréhension de la réalité de ces gens qui ne veulent pas travailler plus... même pour gagner plus... et qui insistent pour dire qu’ils-elles ont surtout besoin que leur temps de repos soit respecté car ce travail est très éprouvant. Pas l’ombre d’une ombre d’empathie, pas même le minimum syndical, par contre, il n’hésite pas à leur signaler que si on les laisse à 35 heures, il va lui falloir augmenter la dette... Quand on sait ce que nous coûte le train de vie du personnel politique et de ses associés, nous sommes là au summum de l’indécence.
Au-delà du personnage, qui professe une vision de la politique qui ne tient aucun compte de la réalité des gens, voire qui la méprise, c’est toute l’évolution des conditions de travail, balayées par le tourbillon libéral, qui est mise en évidence.
Aussi, face à un tel fossé, comment faire valoir les aspirations d’une population qui consacre ses journées de travail à s’occuper des autres, à les soigner, les aider, les accompagner ? J’ai bien une petite idée... Puisque certains élus semblent surpris que d’aucuns soient choqués par leurs abus des activités fictives et très largement rémunérées, et qu’ils ne captent manifestement pas à quel point leurs politiques ont des effets délétères sur la santé de leurs concitoyens, obligeons-les à exercer pendant un temps suffisant une activité ultra-concrète, comme s’occuper à plein-temps de ceux que le grand âge ou la perte d’autonomie obligent à dépendre des autres.
Condamnons les abuseurs de privilèges et leurs « attachés » néanmoins obligés et plus ou moins fictifs, à mettre leurs mains, là où leurs politiques de restrictions budgétaires ont diminué les effectifs, laminé la qualité des soins et aggravé les conditions de travail. Nul doute que nous verrions quelques changements de conception se profiler... Et pourquoi pas davantage, si affinités ?


Pratiques N°77, novembre 2019

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