Édito du 60

200, 2000, 20 000, 200 000... médecins salariés
C’est manifestement avec de tout petits pas que le gouvernement espère faire évoluer les médecins vers un exercice raisonnable, compétent et à la portée de tous les citoyens. Ce n’est pas gagné. Des médecins pathétiques ont manifesté avec morgue, refusant de renoncer à leurs dépassements d’honoraires, parfois exorbitants.
Des patients qui cotisent selon leurs moyens et sont soignés selon leurs besoins, voilà ce qui devrait constituer le socle des devoirs et des droits des médecins, ainsi que des autres soignants, puisque c’est par cet argent-là qu’ils sont rémunérés. Le « gros mot » de « salarié » n’est pas encore vraiment osé, de façon à ménager les susceptibilités mal placées des chantres du libéralisme en médecine. Mais pourquoi appeler autrement la « compensation de revenus » prévue pour les deux cents premiers médecins qui accepteront d’aller exercer dans des zones dites « déficitaires », ou encore « déserts » médicaux [1] ?
Le monde change et heureusement les médecins aussi, malgré l’acharnement que mettent certains à tenter de faire durer leurs privilèges. Ils sont de plus en plus nombreux à envisager d’autres modes de rémunération plus adaptés à leurs aspirations professionnelles et personne. La médecine à l’acte en rebute plus d’un et ne tient pas compte de la réalité de leur travail. La grande majorité de nos concitoyens sont salariés (dont beaucoup de soignants travail dans les institutions), ce qui n’en fait pas des incompétents ni des jean-foutre. Les mauvais professionnels existent déjà, ils sont également répartis sur le territoire et dans tous les métiers.
Alors deux cents postes subventionnés par l’État dès maintenant, objectif deux mille médecins salariés en 2014 ? Vingt mille en un quinquennat et deux cent mille en deux quinquennats ? Voilà qui serait ambitieux et réglerait son compte à cet archaïsme d’une médecine qui fait semblant de se croire libre tout en mangeant à tous les râteliers. Et pourquoi ne pas étendre dès maintenant cette mesure aux remplaçants des médecins en fin de carrière, afin de leur permettre une transmission en douceur des patients qu’ils suivent depuis des années et un arrêt d’activité plus serein ?
L’avenir du système de santé doit s’anticiper très en amont en associant à son évolution et son organisation les patients, les politiques et les soignants.
Il est urgent de rompre avec l’improvisation qui nous a menés à ce gâchis.


Pratiques N°60, janvier 2013


[1Dans un entretien sur M6 le 2 décembre dernier, Marisol Touraine annonçait la création pour des jeunes médecins s’installant dans les « déserts médicaux » des postes de « praticiens territoriaux de médecine générale », avec un revenu minimum garanti de 55 000 euros par an.


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