---- Dossier : La folie. Une maladie ?

Comment prendre soin de ceux qui dérapent, délirent, hallucinent, ceux qu’on nomme « fous » ? Cette question, leur entourage, les soignants de proximité, (médecin de famille...) se la posent et la posent à la psychiatrie. Souvent sans réponse.
Si « les fous » font peur, l’hôpital psychiatrique lui aussi fait peur, car il est encore trop souvent un lieu d’enfermement, plutôt qu’un refuge. À la question « où sont les psy ? », personne ne répond. L’institution psychiatrique semble sourde, prise dans la fascination des étiquettes, des diagnostics, des classifications, prise dans le recours exclusif à des médicaments, et même à la contention, pour faire taire les symptômes. La psychiatrie est affectée par le manque de moyens, prise dans le climat sécuritaire de la société et surtout engluée dans une conception de la folie qui n’aide ni les « fous », ni ceux qui voudraient les aider.
Et pourtant. À l’intérieur de la psychiatrie, il existe des psychiatres, psychanalystes, infirmiers, qui ont une conception différente de la folie, de la psychose. Qui eux-mêmes œuvrent pour faire changer le regard sur la folie et qui essaient d’aller à la rencontre de ceux qui perçoivent le monde différemment. Et si la folie faisait partie de l’humanité, si les fous étaient des humains plus sensibles, plus écorchés vifs ? Si leur façon de percevoir le monde, de le reconstruire était une réponse à des douleurs, des blessures ? Et si écouter ce que disent les « fous », et l’effet que ça produit chez les soignants, changeait tout ? Et si la rencontre avec des thérapeutes qui s’engagent, si la créativité et la bienveillance soignaient ?
Ce numéro est issu des questions mutuelles de soignants de proximité, généralistes, infirmiers, orthophonistes, médecins du travail, et de « psy », psychologues, psychanalystes, psychiatres notamment membres de l’USP (Union Syndicale de la Psychiatrie) se réclamant de la psychothérapie institutionnelle. Ce numéro est aussi issu de la parole de ceux qu’on appelle « fous » racontant leur vécu et interpellant l’institution. Ensemble ils témoignent d’expériences où chacun, soignant et soigné, partagent un vécu commun autour des petites choses et des grandes choses de la vie.
Oui, on peut prendre soin des psychotiques. Oui, on peut les aider. Mais à certaines conditions. S’arrimer à notre posture d’humanité commune. Prendre en compte le social. Se relier à des collègues. Se former. Prendre appui sur sa créativité et celle de l’autre.


Pratiques N°67, octobre 2014

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