I. Création et fonctionnement
Pratiques a été créée en 1975, en marge du Syndicat de la Médecine Générale (S.M.G.). A l’origine de cette création, de jeunes médecins généralistes fraîchement diplômés qui voulaient pratiquer autrement, aller au-delà de la formation reçue dans les amphithéâtres de la Faculté. La revue Pratiques a représenté l’instrument nécessaire de cette ambition. Dès le début a été défini un invariant, demeuré la caractéristique identitaire de la revue : une indépendance radicale vis-à-vis de l’industrie du médicament ; c’est à la fois un privilège et un handicap - du point de vue financier - que Pratiques ne partage, au sein de la presse médicale, qu’avec peu d’autres publications, parmi lesquelles Prescrire.
Dans ces conditions, survivre pendant plus de trente années en s’appuyant uniquement sur la fidélité de ses lecteurs a relevé de l’exploit. Pour être juste, Pratiques a bénéficié pendant un temps du soutien financier du S.M.G., du Centre National du Livre, du F.O.P.I.M.
Cette époque est révolue. Les liens juridiques et financiers sont coupés avec le S.M.G., même si Pratiques revendique d’en soutenir les idées et les combats. La revue, publiée désormais par une association éditrice indépendante, Les cahiers de la médecine utopique, est privée par ailleurs des subventions du Centre national du Livre depuis plusieurs années, malgré des demandes répétées et une qualité qui n’a cessé de s’améliorer. A trop gêner les puissants…
Finalement, ce sont ses propres lecteurs qui ont permis à Pratiques, non seulement de survivre, mais de se développer. Après avoir connu de graves difficultés financières, suite à la carence des aides publiques, la revue s’est rétablie et compte actuellement un millier d’abonnés dont la fidélité et les efforts incessants pour en accroître la notoriété ont été l’épine dorsale de ce redressement.
La structure de production contribue à ce succès. Dirigent la revue et écrivent dans Pratiques des professionnels qualifiés, tous bénévoles : médecins généralistes au premier chef, mais également spécialistes, psychiatres et psychologues, médecins du travail, infirmières, assistantes sociales, universitaires… et même patients ! Le secrétariat de rédaction, les tâches administratives et de diffusion sont assurés par une équipe restreinte assistée, là encore, d’experts bénévoles, financiers ou informaticiens.
La maquette de son côté a constamment évolué : on en recense cinq versions successives ; les dessinateurs sont eux aussi bénévoles et l’on a compté parmi les signatures celles de Reiser, Wolinski, Cardon, Cabu, Siné, puis Serdu, Eloi Valat et Hélène Maurel.
II. Les thèmes
Mais le tout n’est pas de survivre ni même de se développer. Qu’en est-il du combat des idées ? Lieu de débats créé par « des médecins en colère », selon la formule de son rédacteur en chef, Patrice Muller, Pratiques est restée fidèle à cette vocation de défense des plus démunis, devenus la cible d’attaques de plus en plus frontales visant à ni plus ni moins que les expulser du système de soins. Le dernier avatar de cette entreprise systématique de démolition de l’organisation solidaire d’Assurance maladie, créée au lendemain de la Guerre est, comme on le sait, la mesure récemment entrée en application de l’instauration des franchises médicales
Pour ses premiers thèmes, la revue s’est fait l’écho des débats au sein des associations d’usagers venues en discuter dans les cabinets médicaux : la contraception, le maintien à domicile, l’alimentation des enfants, les antibiotiques, l’Ordre des médecins
Autre combat : celui des réseaux : le corps subit les difficultés de la vie et du travail. Les maladies dont il souffre sont majorées ou même créées par les difficultés sociales. Comment un médecin de bonne foi pourrait-il croire qu’une simple prescription médicamenteuse suffise à réparer le mal ? D’où le soutien apporté par Pratiques à l’expérimentation et la mise en œuvre de réseaux de santé, groupant les compétences conjointes de professionnels de la santé, des services sociaux, mais aussi de la magistrature et autres intervenants, et prenant en charge les aspects multiples de la pathologie décelée à l’origine dans le cabinet médical.
Ou encore, et cela a été l’objet du dernier numéro de 2007, les modalités du paiement du médecin : c’est ainsi que Pratiques n’a eu de cesse de militer pour une politique de paiement à la fonction et non plus à l’acte, seul moyen de rémunérer et d’orienter la politique de la santé vers la prévention.
On n’en finirait plus de citer les thèmes traités et les combats menés par Pratiques. Le lecteur, désireux d’approfondir, se reportera utilement à la rubrique « Sommaires » et pourra y prendre connaissance à loisir de la structure des numéros parus. Mais quels que soient les sujets traités, la caractéristique essentielle de la revue, celle qui fait sa force, son originalité, réside dans sa capacité à donner la parole à celles et ceux qui veulent inventer une nouvelle manière de soigner : professionnels et patients qui y mettent en commun leurs savoirs et leurs expériences, associations qui veulent interpeller les pouvoirs publics et alerter la société.
III. Vers de nouvelles formes.
Internet lance aujourd’hui un nouveau défi à Pratiques. Rassurons tout de suite nos lecteurs : Pratiques reste fidèle l’usage du papier : le succès de nos parutions trimestrielle de près de 100 pages est là pour nous y encourager. Mais, parallèlement, Pratiques ne veut pas passer à côté de l’atout que représente son site, et cela, pour deux raisons : d’une part, la formule trimestrielle sur papier, si elle est propice à l’écriture et à la lecture de textes longuement pensés, mûris, articulés, s’accommode mal de la réactivité, de la mise à jour rapprochée, de l’interactivité qui sont les caractéristiques d’un site attractif ; d’autre part, Pratiques, pour vivre et se développer, doit impérativement accroître sa notoriété : et cela passe aujourd’hui justement par un site Internet attractif.
Les données de l’équation sont donc limpides : le site doit évoluer vers cette image, à la fois pour assurer le succès de son combat d’idées, comme pour assurer la survie économique de la revue.
Nos fidèles lecteurs auront pu, nous l’espérons, déjà prendre la mesure du travail de rénovation du site déjà entrepris. Qu’ils se saisissent de cet outil pour faire connaître la revue à leurs proches, leurs étudiants, leurs collèges de travail. Qu’ils n’hésitent surtout pas, et ce sera la conclusion de ce trop long historique, à nous faire part de leurs réactions, critiques, suggestions afin, justement, que l’histoire continue.