Billet d’humeur : le procès Médiator

Ce lundi 14 mai 2012, vient de débuter au tribunal de grande instance de Nanterre le procès de Jacques Servier et de quatre de ses principaux collaborateurs pour tromperie aggravée après qu’ait éclaté ce que les médias ont appelé le « scandale du Mediator® ».

Ce procès arrive au moment même où une nouvelle aire politique commence, sous la Présidence de François Hollande, qui se veut celle de la Justice, de l’Exemplarité et de l’Ethique.

Le SMG s’est retrouvé à la journée de Printemps de Pratiques pour discuter autour du n° 57 de la revue, intitulé « Non au sabotage, l’accès aux soins en danger ». Nous avons tous été d’accord pour dire que nos voix devraient désormais être portées plus forts vers des oreilles que nous espérons maintenant plus attentives sur ces questions de l’accès aux soins et la politique du médicament.

D’abord nous voulons rappeler que nous avons une légitimité à prendre la parole dans des débats qui se veulent techniques mais qui concernent l’ensemble de nos concitoyens puisqu’il s’agit de la qualité de l’information que l’on peut offrir aux soignants à propos des produits de santé.
Nous avions en effet été les premiers au Syndicat de la Médecine Générale (SMG) à alerter du danger au moment de la commercialisation du benfluorex Mediator® par les laboratoires Servier. C’est dans Pratiques, les cahiers de la médecine utopique au mois de février 1977 que l’on pouvait lire qu’il s’agissait d’une escroquerie ! C’est toujours dans notre revue que l’on s’interrogeait en 2010 pourquoi fallait-il attendre 33 ans pour que les autorités sanitaires réagissent .

Mais condamner un homme de 90 ans et quelques sous-fifres ne suffira pas ! Pas plus que mettre le laboratoire Servier au banc de la « bonne société » du LEEM ! Refonder et renommer l’agence de régulation de l’ANAES puis l’AFSSAPS en une Agence Nationale de Sécurité des Médicaments ne suffiront pas non-plus ! Pas plus que faire des Assises du Médicament un show médiatique qui accouchera in fine d’une Loi sur le Médicament qui est considérée comme bien en deçà des enjeux initialement annoncés .

Alors gageons que le nouveau gouvernement et notre nouvelle ministre, Marisol Touraine, prennent la mesure des enjeux à venir. Espérons qu’ils sauront entendre la voix de celles et ceux qui militent pour une réelle indépendance de la formation et de l’information concernant les médicaments. Pour que l’expertise soit assurée par des professionnels qui n’ont aucun conflit d’intérêt avec l’industrie du médicament. Que la Recherche Publique ne soit plus obligée de trouver des « partenariats » avec le privé pour financer les recherches ! Que Mac Do et Coca ne soient plus invités à des congrès de médecins généralistes, pas plus que les industriels du Médicament !

Enfin nous pensons que tous les soignants doivent également faire leur examen de conscience et se poser la question s’ils n’ont pas eux-aussi prescrit le MEDIATOR® ou d’autres médicaments dont le
rapport bénéfice risque est défavorable et ainsi participé à l’utilisation, la désinformation et la promotion d’un produit dont ils auraient dû savoir la nocivité.

L’exemplarité doit également être le mot d’ordre des médecins, pharmaciens et autres professionnels de santé. Soyons attentifs à ne pas colporter des rumeurs et de savoir quelles sont nos sources quand on donne conseil à nos patients. Apprenons dès le début aux étudiants à leur permettre d’acquérir un savoir au service de tous et dans un esprit de justice sociale comme cela est rappelé par la revue Prescrire dans son dernier numéro .

Nous pensons au SMG et à Pratiques que le scandale du Mediator est également lié au mode de rémunération de la majorité des médecins à savoir une rémunération liée à l’acte qui incite à privilégier le volume plutôt que la qualité.

Alors mesdames et messieurs du gouvernement, et celles et ceux du futur parlement, faites en sorte de promouvoir d’autres modes d’exercice qui facilitent le regroupement des professionnels de santé, les autres modes de rémunération et l’accès aux soins, qui permette également de libérer un temps de travail consacré à la coordination, la santé publique, la formation ou la recherche, nous serions moins dangereux pour la population…

… primum non nocere.


vendredi 18 mai 2012, par Séraphin Collé

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