Alerte de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers

Retards, restrictions et refus de soins à l’hôpital

(Accès aux soins des patients sans droits à une protection maladie)

Alerte et rappels sur le cadre règlementaire
Argumentaire de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), avril 2024

Nos organisations ont constaté depuis plusieurs mois des difficultés croissantes à être pris en charge dans certains hôpitaux publics et privés, pour des patients gravement malades sans droits ouverts à une protection maladie.
Ces difficultés concernent particulièrement les patients sans droits ouvrables (Assurance privée, Coordination internationale de sécurité sociale, Assurance maladie, AME, dispositif pour les soins urgents et vitaux), mais aussi les patients en cours de procédure d’ouverture de droits. Des patients pris en charge dans des PASS généralistes se voient refuser l’accès à des consultations spécialisées dans d’autres services de l’hôpital au titre du « bon PASS ». Il s’agit généralement de patients étrangers récemment arrivés en France.
Il semble que l’analyse faite parfois par les directions hospitalières repose sur une méconnaissance de la définition des patients définis comme « non-résidents ». En effet, nombre de personnes récemment arrivées en France, y compris sous visa, ne saurait être considéré comme « patient non résident », ou PNR, (y compris selon la définition retenue par l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris en 2015 [1]) du seul fait qu’ils ne sont pas solvables, non-assurés, ou inéligibles à une protection maladie.
Le refus de soigner des patients sur le seul critère de leur insolvabilité, de leur extranéité, ou de leur lieu de résidence est constitutif d’une discrimination.
Nous craignons un risque élevé de refus de soins, notamment pour des patients relevant d’une urgence médico‑chirurgicale (sous le soupçon de « contournement »), ou pour des patients résidents et précaires dans la phase d’attente d’une protection maladie.
Il importe au contraire de rappeler que le rôle du service public hospitalier (y compris lorsqu’il est assumé par des établissements privés), notamment via le dispositif PASS, est précisément d’assurer l’égal accès aux soins, en particulier pour les personnes démunies financièrement.
Comme le rappelle l’instruction du 12 avril 2022 de la DGOS relative au cahier des charges de permanences d’accès aux soins de santé (PASS [2]), l’article L.6111-1-1 du code la santé publique précise que « les établissements de santé doivent garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible  ». Les PASS doivent permettre un égal accès aux soins, en « permettant un accès aux soins au sens large, sans facturation pour le patient : à une consultation médicale généraliste et/ou spécialisée, au plateau technique, aux soins infirmiers, à la délivrance de médicaments ». Le dispositif PASS doit en particulier pallier l’impossibilité d’accéder au système de santé de droit commun pendant les périodes où les personnes démunies financièrement sont inéligibles à une protection maladie [3].
Elle souligne aussi que, comme le recommande la Haute autorité de santé (HAS), la « mission de repérage et d’orientation des situations de vulnérabilités incombe à l’ensemble des équipes soignantes de l’établissement de santé », afin de permettre l’accès à une prise en charge médicale et sociale des personnes en situation de précarité sociale. En aucun cas les circuits de repérage et de circulation des patients sans droits ouverts ne peuvent être construits dans un seul objectif financier.
En tout état de cause, les services administratifs et financiers doivent respecter en toute situation les règles déontologiques qui s’imposent au personnel médical (Code de déontologie médical [4]) et social (Code de déontologie des assistante.s de service social [5]).
Les choix de stratégies diagnostiques et thérapeutiques, les décisions d’hospitalisation doivent se fonder sur des critères médicaux et non sur des critères socio-administratifs ou économiques [6].

Les membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) sont :
ACT UP Paris, AFVS (Association des familles victimes du saturnisme), AIDES, ARCAT, LA CASE DE SANTE (Centre de santé communautaire - Toulouse), CATRED (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits), CENTRE PRIMO LEVI, CIMADE, COMEDE (Comité pour la santé des exilé.e.s), CoMeGAS, CRETEIL-SOLIDARITE, DOM’ASILE (Domiciliation et accompagnement des personnes exilées),
DROITS D’URGENCE, FTCR (Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), la LIGUE DES DROITS DE L’HOMME, MEDECINS DU MONDE, MEDECINS SANS FRONTIERES, MIGRATIONS SANTE ALSACE, le MOUVEMENT FRANÇAIS POUR LE PLANNING FAMILIAL, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), RESEAU LOUIS GUILLOUX, SIDACTION, SIDA INFO SERVICE, réseau SOLIPAM, SOLIDARITE SIDA, SOS HEPATITES.

lundi 6 mai 2024


[1Politique d’accueil des patients non résidents ; CME 7 juillet 2015 ; APHP ; DRI – DEFIP, 02/07/2015 : « Patient non résident (PNR) = patient, français ou non, résidant de façon pérenne à l’étranger / Ne comprend pas les patients étrangers résidant sur le territoire de façon régulière ou pas. »

[2Instruction N°DGOS/R4/2022/101 du 12 avril 2022

[3Selon nos organisations, les soins délivrés, pour l’usager démuni financièrement, au titre de la PASS, doivent être gratuits (c’est à dire sans facturation à l’usager) et doivent être dispensés de l’avance des frais, avec ou sans ouverture de droit effective au jour des soins.
Les soins des personnes démunies financièrement doivent être financés :
a) pour les personnes ayant des droits ouverts à une protection maladie intégrale (CSS ou AME) à la date de soins : par facturation auprès de la caisse selon le processus de droit commun, mais avec dispense complète d’avance des frais par la procédure de tiers-payant intégral ;
b) pour les personnes avec droit potentiel à une protection intégrale (y compris dans le cadre du Fonds pour les soins urgents et vitaux) à la date des soins : par mise en route de la demande de protection maladie adéquate (intégrale ou en complément d’une protection de base déjà acquise) et facturation auprès de la caisse seulement après l’ouverture des droits ;
c) pour les personnes sans droit potentiel à la date des soins : sur le financement dédié PASS.

[4Articles R4127 du Code de la Santé Publique, Code de déontologie médicale, notamment Article 2 (Respect de la vie et de la dignité de la personne), Art. 4 (Secret professionnel), Art. 5 (Indépendance professionnelle), Art. 7 (Non discrimination), Art. 19 (La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce), Art. 12 (Concours apporté à la protection de la santé), Art. 47 (Continuité des soins), Art. 95 (Respect des obligations déontologiques) et Art. 100 (Non cumul des rôles de contrôle, de prévention, de soins)

[5Code adopté par l’Assemblée Générale de l’Association nationale des assistants de service social le 28 novembre 1994. https://www.anas.fr/Le-code-de-deontologie_a735.html

[6Notamment selon la définition proposée dans le Fonds pour les soins urgents et vitaux : Les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ; et tenant compte de la perte d’espérance de vie sans incapacité, comme cela est rappelé dans le rapport sur les déterminants sociaux de l’état de santé, OMS, 2008

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