Chacun se souvient de ce conte qui a bercé notre enfance. Celui de ce jeune berger qui, pour se rendre intéressant, appelle régulièrement au loup les gens du village. Et à chaque fois, c’est « pour rire ». Puis un jour le loup arrive. Vraiment. Le garçon crie au loup, crie au loup, mais personne ne vient. A force de mentir, quand ça devient vrai, on n’y croit plus.
Comment ne pas faire le lien entre ce conte et la communication actuelle sur la grippe A H1N1 ? A force de nous raconter des histoires, tous ces « experts » sous influences qui prétendent nous informer, la réaction normale est de ne plus écouter, ni croire. Le jour où nous aurons vraiment besoin d’informations fiables, nous ne les écouterons plus.
Tout cela procède d’un profond mépris du peuple et de la démocratie, qui s’inscrit dans cette logique récurrente de ceux qui nous gouvernent de nous « responsabiliser », étant bien entendu que nous sommes irresponsables, incompétents, incapables de faire la part des choses, de décider au mieux de nos intérêts en toute connaissance de cause. Face à une population d’irresponsables et d’incapables, une attitude prévaut : ne pas informer, mais ordonner, ne pas laisser le choix, mais procéder par injonction, dans une démarche paternaliste et infantilisante : c’est comme ça parce que Roselyne l’a dit. « C’est un devoir », assène l’Ordre aux médecins.
Des vaccinations et des informations personnalisées et adaptées, respectueuses du secret médical, dans des cabinets médicaux, dans une relation interpersonnelle ?
Ce serait trop beau.
Au lieu de cela, des vaccinations de masse dans des hangars, sans avoir le choix du vaccin, une logistique paramilitaire, des professionnels anonymes et réquisitionnés.
Une information transparence, à défaut d’être indépendante, de la part d’experts qui expriment leur incertitudes et leurs questionnements, respectent la loi sur la transparence de l’information médicale en révélant leurs liens avec les firmes et les intérêts marchands ?
Il ne faut pas rêver.
Au lieu de cela, des injonctions et des mensonges des leaders d’opinions, vierges outragées lorsqu’on leur demande de respecter la loi en déclarant leurs lien d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique, formalité à laquelle ils se plient pourtant sans barguigner quand il s’agit de la promotion de leur carrière internationalement.
Un exemple ? Celui du professeur Delfraissy, expert grippal de ce mois de novembre 2009 (il faut bien varier un peu les experts), qui se présente comme « indépendant » dans l’hebdomadaire l’Express du 12 novembre 2009, qui s’exprime dans l’émission matinale de France Inter du 19 novembre sous la direction du journaliste Demorand.
Qui rappelle que le professeur Delfraissy est membre du conseil d’administration de la fondation Roche, qui commercialise le Tamiflu°, alias oseltamivir ?
_http://www.fondationroche.org/portal/eipf/france/fondation/fondation/organisation
Qui informe qu’il est membre du conseil scientifique de la fondation de la firme GSK qui commercialise un des vaccins antigrippe A ?
_http://www.gsk.fr/fondation_gsk/propos_fondation/organisation_fonctionnement.html
Ni lui, bien sûr, au mépris de la loi et des citoyens. Pas davantage les journalistes, complaisants avec leur déontologie et les dealers d’opinions pharmaceutiques.
Alors, lorsqu’un auditeur demande si l’on peut choisir son vaccin dans les centres de vaccination, et en particulier celui commercialisé par Sanofi, la journaliste Cardin, spécialiste des questions de santé à France-Inter ment en disant que oui, et le Professeur répond que ce vaccin est moins efficace que les autres puisque sans adjuvant. Comment faut il entendre sa réponse à la lumière de son lien illégalement dissimulé avec la firme GSK qui commercialise le vaccin concurrent ? Selon la revue Prescrire, c’est au contraire le vaccin Sanofi qu’il convient de préférer, compte tenu des incertitudes qui planent sur les effets indésirables liés aux adjuvants. Et lorsque l’animateur Demorand pose la question de l’indépendance des experts, parce qu’il faut bien la poser, la question, l’autre invité de cette émission, membre d’un comité d’éthique, répond : « Faites nous confiance, les précautions sont prises », au mépris de la littérature scientifique internationale qui démontre depuis longtemps les influences des firmes sur les experts et leurs conséquences néfastes sur la santé publique. Mais il est vrai que pour les éthiciens français, la question des conflits d’intérêts en médecine n’est un problème « ni sérieux, ni véritable ».
http://formindep.org/La-proximologie-l-Espace-Ethique
La confiance, ça se mérite ! Nous faisons nôtre la formule de Richard Smith, ancien rédacteur en chef du British Medical Journal : « En matière de santé, ce qui n’est pas transparent doit être considéré comme corrompu, biaisé et incompétent jusqu’à preuve du contraire ». Or, dans cette période de crise sanitaire et médiatique que représente l’épidémie actuelle, rien dans la communication institutionnelle et médicale, rien dans la gestion sanitaire et politique de cette crise ne permet à des citoyens responsables, soignants ou soignés, de penser que qui est fait et dit n’est pas corrompu, biaisé et incompétent. Alors, qu’on ne s’étonne pas que la réaction logique, qui relève du simple principe de précaution, soit la méfiance, la défiance, la fuite. Par leurs mensonges et leur opacité, les autorités sanitaires, les experts médicaux et les médias ont porté un coup fatal à la confiance, élément fondamental et constitutif du soin.
Pour cette épidémie sans gravité, les conséquences sanitaires seront minimes. Mais le jour où surviendra une maladie vraiment grave, une épidémie avec une forte mortalité, la confiance détruite par cette campagne délirante sera la vraie cause du désastre qui se profile. Ces responsables menteurs, dissimulateurs et désinformateurs seront alors comptables des décès et de la souffrance des familles. Le jour où ce sera vraiment vrai, comme le berger avec le loup, les autorités sanitaires et ceux qui les servent, ont pris risque de ne plus être crues. C’est gravissime.