LIEN DE CAUSALITE ENTRE LE TRAVAIL ET L’ATTEINTE A LA SANTE

SOUTENIR les Drs E. DELPUECH, D. HUEZ et B. BERNERON

http://www.petitions24.net/alerte_et_soutien_aux_drs_e_delpech_d_huez_et_b_berneron

Les médecins du travail sont des spécialistes de la santé au travail. Les pratiques de l’ordre des médecins et de ses instances doivent dorénavant en prendre acte notamment en matière de plaintes d’employeur. Nous revendiquons par conséquent que :

Une plainte d’employeur ne soit recevable devant une juridiction ordinale que dès lors qu’elle représente l’intérêt de la santé des salariés de l’entreprise. La plainte doit être rejetée lorsqu’elle est fondée sur des motifs extérieurs à la santé des salariés et lorsque la responsabilité de l’entreprise ou de ses dirigeants est engagée, notamment dans un conflit les opposant à un ou plusieurs salariés.
Dès lors qu’elle serait recevable une plainte auprès du conseil de l’ordre doit être précédée d’une concertation confraternelle avec le médecin mis en cause. Pour les médecins du travail, la conciliation avec le plaignant-employeur ne peut avoir pour objet de s’expliquer sur leurs actes professionnels ce qui serait contraire aux dispositions réglementaires particulières concernant leur exercice.
L’ordre des médecins ne soit pas compétent pour juger des pratiques professionnelles des médecins spécialistes dès lors que ces pratiques ont fait l’objet d’une élaboration et d’une évaluation formalisée publiquement et dans un cadre institutionnel entre pairs.
C’est pour avoir observé leurs obligations en rédigeant des certificats médicaux ou des courriers à leurs confrères, constatant les liens entre l’organisation du travail et ses effets sur la santé psychique de salariés, que, très récemment, trois médecins du travail : les Docteurs E. DELPUECH, D. HUEZ et B. BERNERON ont été l’objet de plaintes d’entreprises auprès du Conseil de l’ordre des médecins dont ils relèvent. Les deux premiers agissaient es qualité de médecins du travail et le troisième dans le cadre d’une consultation de psychopathologie du travail d’un CHU. Le premier a été condamné en première instance et s’est pourvu en appel.

Nous demandons l’abandon des poursuites disciplinaires

contre les Docteurs E. DELPUECH, D. HUEZ et B.BERNERON

Informer chaque travailleur du lien entre les risques du travail et les effets négatifs sur sa santé est un droit inscrit dans le code du travail et une obligation pour chaque médecin du travail. Rédiger des écrits, notamment des certificats médicaux, et assurer ainsi l’effectivité du droit du travailleur et particulièrement de ses droits à réparation fait également partie du devoir de tout médecin et spécialement de tout médecin du travail. L’ensemble de ces droits et devoirs est inscrit dans le code du travail et les codes de la santé publique et de la sécurité sociale. C’est cela que font les médecins du travail qui rédigent des certificats médicaux à l’appui d’une déclaration de maladie professionnelle, par exemple en attestant du lien entre une exposition à un cancérogène et la survenue d’un cancer professionnel.

Ces plaintes et leur recevabilité par le conseil de l’ordre soulèvent des questions politiques et professionnelles.

Le choix des juridictions disciplinaires de l’ordre des médecins ne doit rien au hasard. Alors qu’ils pourraient poursuivre les médecins incriminés dans le cadre d’une juridiction pénale, ces plaintes permettent d’intimider les médecins du travail sans risquer de publicité sur des pratiques d’entreprises, ce que pourrait impliquer la voie judiciaire.

Ces plaintes sont donc des plaintes de circonstance, destinées à décrédibiliser les écrits des médecins du travail. Les employeurs veulent ainsi déclencher un réflexe de peur et d’abstention de témoignage chez les médecins du travail déjà malmenés par une réglementation récente.

Ainsi, on comprend pourquoi, alors que toutes les enquêtes montrent l’impact massif sur la santé des salariés des nouvelles formes d’organisation du travail, des employeurs tentent de se garantir contre tout constat, notamment médical.

La voie ordinale est ouverte aux employeurs par l’aubaine d’un « notamment » inscrit dans l’article R4126-1 du code de la santé publique qui ne les cite pas nommément. Se pose donc la question de leur légitimité à porter plainte. Or c’est précisément de la capacité à porter plainte des patients ou des organismes publics et des associations de patients que traite cet article. Il est par conséquent logique qu’une plainte de l’entreprise puisse être recevable dès lors que l’exercice professionnel d’un médecin du travail met en péril la santé des salariés de cette entreprise. Mais une telle plainte ne répond plus aux conditions de saisine lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts d’une entreprise notamment dans un litige l’opposant à un ou plusieurs salariés.

Une conciliation avec le plaignant-employeur est ici exigée par le conseil de l’ordre. Pour le médecin du travail, elle n’est pas conforme aux dispositions du code du travail. En effet, son indépendance est garantie par l’article L4623-8 du code du travail et, notamment, est mise en place, par l’article L4624-1, une procédure qui le dispense de justifier de ses actes professionnels devant un employeur en interposant l’intervention de l’inspection du travail.

Actuellement, des méthodes d’organisation du travail et de gestion des ressources humaines génèrent des atteintes fréquentes à la santé des travailleurs du fait de risques psychosociaux. Les médecins du travail, par leur travail clinique, peuvent discerner et diagnostiquer les effets négatifs des risques psychosociaux sur la santé des travailleurs. L’évolution des entreprises, de leur fonctionnement et les pratiques professionnelles des médecins du travail sont souvent ignorées des autres médecins, notamment du conseil de l’ordre. C’est ce que pourrait laisser penser un commentaire d’un rapport du conseil national de l’ordre des médecins qui mentionne concernant la rédaction des certificats médicaux par un médecin : « Il lui est interdit d’attester d’une relation causale entre les difficultés familiales ou professionnelles… et l’état de santé présenté par le patient. ».

Ces prises de position ordinales ignorent deux faits majeurs :

la qualité de spécialiste du médecin du travail, qui lui permet de diagnostiquer le lien clinique entre des caractéristiques pathogènes du travail et de son organisation et des effets délétères sur la santé, notamment psychique, des salariés, comme tout autre spécialiste le pratique dans d’autres champs médicaux
l’existence de pratiques professionnelles construites entre pairs intégrant à la clinique médicale les références scientifiques et médicales ainsi que les acquis des sciences sociales, les rendent scientifiquement pertinentes et permettent l’exercice spécialisé d’une clinique médicale du travail. Ces pratiques sont par ailleurs validées dans le cadre d’évaluation des pratiques professionnelles encadrées par la HAS
Un ordre professionnel ne saurait avoir pour compétence d’intervenir dans les pratiques professionnelles spécialisées qui relèvent de l’élaboration et de la validation entre pairs dans un cadre collectif associatif et d’ordre public social.

Ce qui se joue ici, c’est le droit légitime de tout travailleur à une information du médecin du travail sur les risques qu’il court personnellement et les effets qu’ils entrainent sur sa santé. En mettant en visibilité le lien santé-travail, l’attestation rédigée par le médecin du travail, permet de stimuler la prévention du risque. Cette attestation peut permettre au travailleur de prétendre à une juste réparation.

C’est pourquoi nous apportons notre soutien aux médecins du travail mis en cause.

Notre initiative fait écho à la déclaration de l’association SMT mise en ligne sur son site :

http://www.a-smt.org/accueil.html

L’article 50 du code de déontologie médicale, inscrit dans le code de la santé publique, prescrit que tout « médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit… »

L’article 76 du même code prescrit : « l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. »

L’article 95 du même code, précise : « …En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt de la santé publique et dans l’intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. »

L’article L1111-2 du code de la santé publique garantit le droit du patient d’être informé sur son état de santé, sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, par tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables, cette information étant délivrée au cours d’un entretien individuel.

L’article R4126-1 du code de la santé publique traite de « L’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l’une des personnes ou autorités suivantes :

1° Le conseil national ou le conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d’une caisse ou d’un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu’ils transmettent, le cas échéant en s’y associant, dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 4123-2 (…)

L’article L461-6 du code de la sécurité sociale contraint « tout docteur en médecine qui peut en connaître l’existence, notamment les médecins du travail, (à déclarer) tout symptôme d’imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu’ils ont un caractère professionnel (et sont inscrit dans les tableaux de maladies professionnelles) et (…) tout symptôme et toute maladie (…) qui présentent, à son avis, un caractère professionnel… ».

L’article R. 4624-16 du code du travail enjoint au médecin du travail lors des examens médicaux périodiques d’informer le salarié « sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire… »

L’article L. 4623-8 du code du travail concerne l’indépendance du médecin du travail. – « Dans les conditions d’indépendance professionnelle définies et garanties par la loi, le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code. »

L’article L. 4624-1 du code du travail précise cette indépendance vis-à-vis de l’employeur-« Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. »

mardi 7 mai 2013, par revue Pratiques

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