Soignants, si vous refusez la réquisition, il vous en coûtera 3 mois de prison avec sursis et 30 000 € d’amende !
Telle est la mise en garde adressée par un préfet zélé aux personnels de l’Etat réquisitionnés pour les besoins des centres de vaccination. Pratiques diffuse un témoignage de première main, qui en dit long sur les pratiques d’intimidation utilisées pour assurer la mise en œuvre d’une opération dont le moins qu’on puisse en dire est que ses tenants et aboutissants sont opaques et, en tout cas, n’ont jamais rien eu à voir avec le souci désintéressé de la santé publique. Ceci, en dépit d’affirmations contraires de responsables, toujours en place, néanmoins…
Du déroulement d’une campagne d’intox à celui d’une campagne de vaccination : autopsie d’un fiasco doublé d’un mésusage de l’argent public.
Agent de la fonction publique, médecin généraliste au sein du service de promotion de la santé en faveur des élèves [1]., j’ai été, de mars 2009 à janvier 2010, le témoin privilégié du programme H1N1, mis en place pour assurer les retombées économiques et sociales du virus du même nom.
Rappel des faits :
Lors de sa visite au Mexique, au début de l’année 2009, le président Nicolas Sarkozy est heureux d’annoncer le co-investissement de l’Etat français au côté du laboratoire Sanofi-Pasteur dans une « unité de production » [2] de vaccin anti-grippaux contre un virus pandémique [3].
Quelques semaines après, apparaissent, dans ce pays rongé par la criminalité et la corruption, des cas de grippe d’un nouveau type, provoquant une forte mortalité [4] . Je suis alors conseiller technique pour les questions de santé de l’Inspecteur d’Académie de mon académie, en remplacement temporaire du médecin de l‘IA normalement en poste mais à ce moment en déplacement. Branle bas de combat, quelques jours après le déclenchement de la grippe alors porcine, une école entière du département devait s’envoler, via New York, vers la Louisiane ! La psychose naissante incite le professionnel que je suis à réfléchir à l’opportunité d’envoyer loin de chez eux des enfants plus près du foyer épidémique. La décision de l’IA sera d’annuler tout simplement le voyage. Réunions et rencontres avec les partenaires et parents d’élèves tournent au vinaigre : l’investissement (en temps et argent) des élèves et leurs familles se voit partir en fumée : pas de voyage, pas d’indemnisation (la décision étant au delà des mesures préconisées alors par l’OMS). De mon bureau temporaire, j’observe : les données médicales sont floues, le traitement médiatique disproportionné (masquant les réalités économiques et sociales aux alentours d’un premier mai qui, au Mexique au moins, s’annonçait chaud), les valeurs boursières pharmaceutiques en lien avec la grippe (vaccins, traitements, produits de prévention) gagnent de 8 à 25% de leur cotation et toutes les Bourses du monde profitent de ce rebond pour suivre le mouvement. La grippe A aura au moins eu la vertu de sauver de la banqueroute l’économie financière mondialisée et de calmer des mouvements sociaux naissant ou renaissant (au Mexique, le couvre feu et l’état d’urgence réduisent le nombre de participants au défilé du 1ER mai en dessous du nombre habituel, alors que l’inverse était prévu).
Rapidement, on entend dans les tuyaux de l’EN, qu’en cas de vaccination de masse, si cette grippe prend un caractère pandémique, l’implication des infirmières et médecins du service de santé scolaire sera le pivot du dispositif.
Passent les vacances d’été. Septembre. La psychose est montée crescendo dans l’opinion publique, la mayonnaise a d’autant mieux pris que les médias l’ont bien battue (dans nos oreilles).
D’emblée, le service de santé scolaire est mis à contribution pour rabâcher les messages alarmistes auprès notamment des directeurs d’écoles, collèges et lycées… Ces actions entraînent des déplacements supplémentaires, des frais, et mobilisent une partie du temps des médecins et infirmières à ne pas faire ce que cette période requiert pour pouvoir remplir au mieux leurs missions [5]. Les mesures d’hygiène et de prévention que nous sommes censés expliquer me paraissent d’ores et déjà disproportionnées : on incite les établissements scolaires à adopter des mesures de désinfection d’un niveau égal à celles d’un établissement de santé. Les instits et les parents sont soumis à une énorme pression pour retirer au plus vite les enfants en cas de fièvre. Certains directeurs d’école zélés ou stressés vont jusqu’à interdire aux enfants de s’embrasser… On induit des comportements chez les professionnels, les parents, les enfants, jouant de la culpabilisation, de la responsabilisation et de la peur. Ces répercussions sont décrites dans toutes les entreprises et collectivités, à des niveaux divers, avec parfois un peu de dérision (ouf).
Où je comprends pourquoi cette crise sanitaire est gérée par le ministre de l’Intérieur.
Une des mesures qui aura le plus fait parlé d’elles est la fermeture des établissements. Au delà de 3 élèves malades dans une même classe, on ferme la classe. Dans le cas où les 3 élèves malades ne seraient pas de la même classe, c’est tout l’établissement qui devra fermer. Mine de rien, on livre à eux-mêmes pendant 7 jours (durée de la fermeture) des ados qui préfèreront sans doute aller glander en ville ou se réunir au pied de leur cité que de regarder les mornes (et incomplets) programmes éducatifs à la télévision. Forcément, ne pouvant faire confiance à la jeunesse, il faut prévoir que les forces de l’ordre aient un peu plus de travail et donc pouvoir cantonner les gens chez eux, si la proportion d’inactifs forcé devient trop importante. De plus, pour les enfants plus jeunes (collégiens ou écoliers), le retour de la mère au foyer est une solution pratique : car, si l’école ferme 7 jours sur sa décision, le préfet n’a pas été doté des pouvoirs qui lui permettent d’organiser les conséquences sociales de cette carence d’accueil. Les fédérations de parents d’élèves ne s’y trompent pas, qui, quelle que soit leur coloration politique supposée, montent au créneau pour protester. Le préfet local fera d’ailleurs mine de les entendre, et le nombre de classes fermées sera faible. L’argument est simple : on ferme sur des suspicions de grippe, sans réaliser de tests (les tests sont alors réservé aux cas groupés familiaux), 48H minimum après le début de la contagiosité possible des enfants concernés.
La vaccination :
Dès fin septembre, l’ensemble des médecins et infirmiers des départements de mon académie sont réunis pour une session obligatoire de lavage de cerveau : se succèdent à la tribune d’éminents médecins locaux, taisant leurs éventuels liens d’intérêts : données épidémiologiques invérifiables, présentation catastrophique de la clinique spécifique de cette grippe (un réanimateur viendra parler du SRAS), promotion de la vaccination avec des données fausses sur l’efficacité et la sécurité en matière de tests cliniques des vaccins concernés… Le plan pandémie grippale nous est expliqué en partie (jusqu’à la phase 5B, alors qu’il en compte 6). D’ailleurs, sur le site du ministère (pandemie.gouv.fr), les différences entre 5B et 6 ne sont pas explicites. Il faut dire, qu’en fait, aucune mesure sanitaire n’y est très différente dans son principe (c’est l’intensité qui varie), mais que c’est le traitement social de la crise qui change et notamment les restrictions de liberté que la phase 6 est censée imposer : un véritable état martial sous couvert de raisons médicales, c’est plus facile à faire passer qu’un état martial pour raisons sociales.
La liste des mesures préconisées pour lutter contre la pandémie s’allonge et empiète largement sur notre temps de travail et nos moyens. Un exemple : alors que, depuis toujours, l’ensemble des médecins scolaires utilisent un téléphone cellulaire personnel pour être joignables (nous sommes du personnel mobile avec des grands secteurs géographiques et pas assez de secrétaires), le recteur a décidé de nous équiper d’un téléphone mobile : en pleine « crise », on nous invite à changer de coordonnées et surtout, lors de l’annonce, on nous demande d’être davantage joignables : insidieusement, on nous invite à accepter une sorte d’astreintes téléphoniques. Bien sûr, les réactions sont vives et relativement hostiles. D’autant que la plupart d’entre nous n’ayant pas vu la couleur du remboursement de ses frais de déplacement depuis le mois d’avril, la pilule passe mal : une journée à 20 000€ (déplacement des personnels, achat des téléphones, de masques FFP2 – dotation par médecin de 50 masques et autant par infirmière -, de gel désinfectant, défraiement des intervenants), pour nous donner des informations discordantes avec celles que certains/E/s d’entre nous vont chercher, notamment au sujet des vaccins.
Comme cela est prévu par nos statuts, les médecins du service de santé scolaire sont dans l’obligation de se soumettre aux réquisitions, de participer aux campagnes de vaccination, etc. Bref, ce statut magnifique comporte quelques désagréables contreparties (dont celles de devoir se taire, ce que j’enfreins en écrivant cet article). Après avoir connu les mêmes difficultés que l’ensemble de mes confrères pour obtenir des informations concernant l’épidémiologie de la grippe A H1N1 et sur les vaccins proposés, je retourne l’information collectée vers mes collègues de toute la France (métropolitaine et DOM/TOM) dont j’ai l’adresse mel. Mon propos invite mes confrères et consœurs à refuser de se laisser instrumentaliser ; il nous faut, pour conserver la confiance des parents, enfants et patients, nous montrer RESPONSABLES. De plus, je sais dès lors que les vaccins ont tous bénéficié de la procédure simplifiée « mock up » pour leur AMM et même que les résultats des tests cliniques pour les vaccins SP sont en cours de saisie alors que l’AMM est déjà délivrée. Ce mel tourne en boucle et revient dans la boite du médecin conseiller technique du Recteur de ma région. Je reçois alors un avertissement : on me rappelle à mon « devoir de réserve » : je me tais ou je recevrais un blâme. On demande alors, sur l’ensemble du territoire, de recenser les médecins volontaires pour la campagne. Certains médecins conseillers techniques, arguant qu’il s’agit là d’une obligation statutaire, ne vont pas prendre le soin de demander à leurs consœurs et confrères de terrain (par exemple pour 2 départements de mon académie, les médecins vont apprendre qu’ils ont été déclarés volontaires). Dans mon département, je monte au créneau : l’ensemble de mes consœurs, échaudées par l’antécédent en la matière [6], me suivent dans mon argumentation et une seule se dit volontaire « sous réserve » contre 11 réfractaires. D’ailleurs, aucun d’entre nous n’envisage la vaccination pour lui-même ou ses proches. La réserve de notre consœur est conditionnée par la réception d’une information plus claire sur les vaccins, alors que la polémique dans les grands médias autour des adjuvants bat son plein. Quelques jours après, je reçois, de la part du Préfet de région, via le secrétaire départemental du conseil de l’ordre, un autre avertissement ; en cas de réquisition, si je refuse de m’y soumettre, il a reçu des consignes pour faire appliquer la lecture la plus ferme de la loi (et de me rappeler que je risque 3 mois de prison et 30 000 € d’amende soit presque un an de traitement). Dans le même temps, mes consœurs sont l’objet d’un odieux chantage (qui n’aura que peu de prise sur la plupart) : soit elles changent de position et se déclarent volontaires, soit elles seront réquisitionnées pour combler les manques dans les plannings de vaccination, sans tenir compte de leur lieu de résidence ni de leur situation familiale (alors que c’est souvent un motif prégnant dans le choix du mode d’exercice dans l’EN). Les réunions s’enchaînent à la préfecture ou à la DRASS pour programmer et organiser la campagne de vaccination.
Rapidement, les personnels de santé de l’EN sont écartés des dispositifs en centre de vaccination. Le bref soulagement de chacun/e est de courte durée. On nous annonce qu’il y aura des équipes mobiles de vaccination qui feront la tournée des établissements scolaires pour y vacciner les enfants dont les parents auront exprimé leur accord. Pour des raisons de rentabilité, les établissements du secondaire (collèges et lycées) sont rapidement mis à contribution pour organiser en leur sein la réception des équipes mobiles de vaccination et y contribuer pour les personnels infirmiers et administratifs. Les écoles primaires et maternelles sont écartées du dispositif ; la vaccination des personnels n’est pas d’actualité.
J’apprends alors, par le biais d’internet et du discours de la ministre polonaise de la santé, que les laboratoires font signer des clauses dans leur contrats de fourniture aux gouvernements de tous les pays afin d’organiser leur immunité (judiciaire) en cas d’effets secondaires massifs liés aux vaccins. Rassurant.
Quelques réunions à la Drass plus tard, les modalités de la campagne de vaccination en établissements scolaires sont définies. Volontaires ou non, tous les médecins de l’Education Nationale et une grande majorité des infirmiers sont mobilisés sur leur secteur, dans leurs établissements et ceux géographiquement proches. Les modalités sont un peu complexes et surtout, les vacations (qui ne seront pas payables aux agents de l’Etat) sont de 3 heures. Le nombre d’élèves, dont les parents ont exprimé leur accord pour la vaccination, recensés par les établissements, conditionne le nombre de vacations par établissement mais, en gros, il faudra en 3 heures assurer de 30 à 120 examens médicaux en vue de prescrire ou non l’injection qui sera réalisée par les infirmières. Pour nous faciliter la décision, plusieurs mesures ont été prises par la cellule interministérielle :
1. les agents réquisitionnés sont couverts, en responsabilité professionnelle, par l’Etat qui a souscrit une assurance spécifique.
2. les parents des élèves, en plus de l’autorisation, ont signé un document de consentement éclairé [7]
3. un seul vaccin sera disponible en établissement scolaire [8].
4. le fractionnement des tâches limite les sentiments de responsabilité donc les freins psychiques conscients. les parents ont rempli le même questionnaire que celui que renseigne un médecin lors de son interrogatoire en centre de vaccination [9].
Globalement, le taux de réponse a varié, selon les collègues des différentes académies qui ont répondu à ma demande d’informations, de 5% à 30% des élèves ; d’un établissement à l’autre, même type de variations. Si dans les collèges, les enfants, trop jeunes pour opposer leur propre jugement à ceux des adultes (parents et professionnels) ont été massivement vaccinés dès lors que les parents avaient dit oui, en lycée, un important pourcentage (jusqu’à 50% dans un établissement) ne s’est pas présenté. Les autres ont été massivement vaccinés (peu de médecins ont opposé une contre indication). J’ai recueilli plusieurs témoignages qui montraient que des enfants qui allaient recevoir l’injection tentaient de s’y soustraire en questionnant l’infirmier/e sur l’innocuité du geste et la détermination du professionnel à le faire. Face à cela, certain/e/s ont eu du mal à piquer ces enfants.
Dans les DOM, la donne est un peu différente : hors contexte épidémique, alors que les vaccins n’existaient pas lors de l’épidémie, bref, le recul de la population est plus important donc l’adhésion à la vaccination bien moindre.
Pour ce qui est de l’indépendance d’esprit des médecins, on peut regretter leur manque de courage. Pour le coup, je ne me base que sur des informations de mon académie. J’avais l’intuition, avant les réquisitions, qu’une petite minorité d’entre nous était volontaire pour cet acte. Pourtant, sur une cinquantaine, nous ne sommes que 2 à avoir manifesté notre refus officiellement et nous être soustraits à cette obligation statutaire [10]. Par ailleurs, comme mentionné ci-dessus, peu nombreuses ont été les contre indications posées. Par contre, comme dans les centres de vaccination (où les consultations médicales durant plus longtemps que prévues, créaient les files d’attente dont la presse nous disait qu’elles montraient le succès de la campagne de vaccination), les médecins ne se sont pas facilement soumis aux contraintes horaires, préférant s’assurer des conditions d’interrogatoire de meilleure qualité.
Pour l’anecdote, la neige stoppant plus facilement l’activité du pays que la grippe, plusieurs vacations ont été annulées sur diverses établissements. Pour ceux-ci, une session de rattrapage est organisée en janvier. Entre temps, les médias ayant changé de ton, il est devenu notoire que le nombre de vacciné/es est très en deçà des estimations lors des commandes de vaccins. Aussi, personne dans l’Education nationale ne s’étonne quand, pour ces « sessions de rattrapage », on invite tous les élèves à revenir, mais aussi tous les personnels souhaitant se faire vacciner ! Le nombre en sera dérisoire, pas de quoi écouler les surplus donc. Mais qui va payer ?