Pratiques a récemment défendu l’application du principe de précaution en matière d’implantation d’antennes de téléphonie mobile. Les initiatives récemment prises par la Mairie de Paris et allant dans le même sens sont venues lui donner raison [1].
Faut-il pour autant, au nom du même principe, souscrire les yeux fermés à n’importe quelle campagne de prévention, pour peu qu’elle soit labellisée« santé publique » ? Nous ne le pensons pas.
A ce propos, de nombreux lecteurs nous interpellent en ce moment au sujet du battage médiatique – et gouvernemental – fait autour de la vaccination contre le virus de la grippe (Grippe A /H1N1).
Rappelons donc les faits :
1. Le virus de la grippe (A/H1N1) n’est pas un virus agressif : d’après l’OMS, la majeure partie des personnes infectées ont guéri sans passage par l’hôpital ni même par des soins médicaux spécifiques. L’assimilation dans l’esprit du public de ce virus – bénin – à celui de la grippe aviaire contribue à entretenir la confusion : ce dernier a tué jusqu’à 60 % des personnes infectées, même si le total du nombre de cas déclarés est négligeable [2]. Rien à voir donc avec le virus banal de la grippe A/H1N1.
2. En revanche, ce dernier est un virus de la grippe A classique recombiné avec celui d’un animal, et contre lequel de nombreuses générations – en gros, celles nées après 1950 – ne seraient pas encore immunisées : d’où les prévisions de l’Institut national de veille sanitaire évoquant un taux d’infection de 4 à 5 fois supérieur à celui de la grippe ordinaire ; d’où également l’inquiétude des gouvernants vis-à-vis d’une épidémie éventuelle qui frapperait cette fois-ci des actifs et non plus des personnes âgées, donc non productives.
3. L’efficacité du DCI Oseltamisir (Tamiflu) (anti-viral prophylactique) est controversée et son usage non dépourvu d’effets secondaires sérieux et plus même, d’effets encore mal évalués sur certaines catégories de la population (femmes enceintes, femmes allaitantes). Son usage devrait être restreint aux personnes à risques, quand elles sont malades ou en contact avec des personnes malades, ou les malades les plus graves (hôpital).
4. Le vaccin, produit par différents laboratoires, sera disponible à partir de l’automne. Son efficacité ne dépassera pas, en tout effet de cause, celle des vaccins actuellement utilisés contre la grippe saisonnière [3] et ne désarmera pas pour autant l’hostilité de larges fractions de l’opinion dubitatives à la fois quant à la dite efficacité mais aussi prévenues contre les effets secondaires déjà enregistrés au cours de telles campagnes, pour ne pas parler des réserves exprimées quant au degré d’innocuité d’un vaccin préparé à la hâte… En cas d’épidémie avérée, enfin, et compte tenu des quantités disponibles à l’automne, seules certaines catégories de populations à risques seraient vaccinées en priorité : personnes à l’immunité affaiblie, ou fragiles (femmes enceintes, insuffisants respiratoires, cardiaques, diabétiques, etc.), personnels de santé, de l’éducation...
Enfin, comment éviter, pour conclure, d’évoquer le contexte pour le moins trouble qui entoure l’ensemble de cette affaire, en posant quelques questions qui dérangent :
? D’abord, pourquoi un tel battage autour d’une pandémie dont les effets, bénins toutes proportions gardées, ne représenteront que peu de choses par rapport aux millions de victimes actuelles du paludisme, de la diarrhée des nourrissons, etc. ? Serait-ce que, dans un cas, c’est un marché profitable qu’il s’agit de construire de toutes pièces et dans l’autre de populations sous-développées, donc insolvables et qui méritent par là même d’être abandonnées à leur sort ?
? Que le bénéfice l’opération soit évident pour Roche, Novartis, Sanofi et consorts, cela va de soi. Mais qui paiera les pots cassés au niveau de la Sécu ? Qui se servira du déficit ainsi creusé pour accentuer le démantèlement du service de santé publique au profit des assurances privées ?
Soigner certes, mieux encore, prévenir , c’est notre métier, nous ne nous y déroberons pas. Mais sachons le faire en gardant les yeux grands ouverts. [4]]