Personne ne souhaite la mort du pécheur mais, en l’occurrence, les justifications de Madame la Ministre de la santé à propos de son action, concernant le scandale Avastin®/Lucentis® sont courtes.
Le compte-rendu des débats de l’Assemblée Nationale que nous reproduisons ici, à propos de l’amendement RTU relatif à la substitution de l’Avastin® au Lucentis® (pages 58-61) est éloquent à cet égard. [1]
La Ministre commence par déclarer, en effet : « Depuis que je suis au Gouvernement, j’ai mené plusieurs actions pour permettre la prescription de l’Avastin® dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge au lieu du Lucentis® ». Or, que l’on sache, c’est sous son autorité, qu’éclate le coup de tonnerre de la circulaire du 11 Juillet 2012, seule en Europe de son espèce, interdisant aux hôpitaux publics de substituer l’Avastin® au Lucentis®. [2] La même circulaire à propos de laquelle, le Pr Didier Sicard, ancien président du Comité national d’éthique, avait évoqué la Haute cour de justice…
La Ministre poursuit : « Il y a donc bien un enjeu financier, mais le dossier est juridiquement complexe. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi l’Autorité de la concurrence pour avancer plus vite ». Là, c’est surtout se parer des plumes du paon : c’est Que Choisir qui a saisi ladite Autorité, le 3 Avril 2014 (après avoir, entre autres, enquêté auprès de la revue Pratiques et du SMG) [3]. De plus, la justification de la Ministre est pour le moins bizarre : on ne voit pas bien en quoi l’Autorité de la concurrence est fondée à intervenir en raison de la complexité juridique d’un dossier. Son métier se borne à sanctionner les ententes illicites, ce qu’elle fait d’ailleurs très bien, à condition qu’on ne perde pas deux ans avant de la saisir…
A ce propos, pourquoi donc n’avoir cédé à la pression de Que Choisir que si tardivement, alors que la décision d’enquêter des autorités italiennes datait déjà du 6 Février 2013 et que le SMG, dans une lettre ouverte, interpellait dès le 25 Juin 2013 la Ministre en ces termes « Dernière question : les autorités italiennes ont engagé, dans le cadre des procédures anti-trusts, une enquête pour entente illicite à l’encontre du couple Roche/Novartis. Les autorités françaises comptent-t-elles joindre leurs efforts à ceux de leurs homologues italiennes ? » [4]
Toujours la Ministre : « le présent amendement a pour objet d’utiliser une nouvelle interprétation de la réglementation communautaire et de l’appliquer au régime d’élaboration des recommandations temporaires d’utilisation – les RTU ». Patatras : peut-on demander à Madame la Ministre de quand date cette « nouvelle interprétation » ?
Nous allons lui rafraîchir la mémoire : du 3 Avril 2013, date de la fameuse décision de la Cour européenne de justice ouvrant la voie à la substitution du Lucentis ®par l’Avastin®. [5] En fait de nouveauté, il aura donc fallu 1 an et trois mois au Ministère pour réagir, en quémandant de surcroît un satisfecit au Parlement pour son impéritie !
Heureusement que ledit Ministère ne gère pas une entreprise : laquelle d’entre elles aurait toléré un tel délai pour mettre fin à une hémorragie de 300 millions d’€ par an ? Pourquoi, Madame la Ministre, n’avoir pas présenté votre amendement dès Juillet 2013, au lieu de Juillet 2014… ? Et 300 millions indus de plus dans la poche des firmes concernées, le tout aux frais de la Sécurité sociale !
C’est avec intérêt que les contribuables entendront votre explication.
Une dernière requête adressée cette fois aux représentants de la nation. Gérard Bapt, lors de la présentation de son sous-amendement (retiré par la suite) en a appelé à l’Autorité de la concurrence « pour qu’elle donne les résultats de ses propres investigations » sur les agissements de Roche/Novartis. Rappelons que l’Autorité italienne de la concurrence a frappé lesdites firmes d’une amende de 182 millions d’€ et que l’Etat italien, à son tour, réclame des dommages-intérêts d’un milliard 200 millions d’€. [6]
Les citoyens de notre pays ne comprendraient pas que les pouvoirs publics puissent se comporter différemment en France. Nous demandons, en conséquence :
- Qu’une enquête parlementaire soit enfin ouverte pour examiner publiquement le comportement des autorités sanitaires françaises dans cette trouble affaire
- Que le rapport de l’Autorité de la concurrence soit rendu public au moment où il sera achevé
- Que l’Etat se porte partie civile dans ce dossier, contre les firmes impliquées dans ce pillage
- Que des poursuites judiciaires contre les dirigeants des mêmes firmes soient engagées, s’il existe, comme en Italie, des présomptions d’actions délictueuses de leur part dans la même affaire.