Pas de peine de mort pour les étrangers malades

NON aux restrictions du droit au séjour

Les amendements à la loi sur l’immigration concernant le droit au séjour pour les étrangers malades doivent repasser en seconde lecture à la commission des lois le 30 mars, puis le 12 avril de nouveau à l’assemblée. L’enjeu est vital.

En première lecture, le sénat a repoussé les dispositions du projet de loi sur l’immigration restreignant le
droit au séjour et la protection contre l’éloignement des étrangers gravement malades résidant en France
et ne pouvant effectivement accéder aux soins dans leur pays d’origine (article 17 ter et article 26).
Le 9 mars dernier, les députés ont réintroduit ces dispositions.
Il y aura un débat en deuxième lecture, le 30 mars en Commission des lois, puis à l’Assemblée à compter
du 12 avril, de ces deux mesures lourdes de conséquences tant en matière de santé publique qu’en termes
économiques.

Les motifs exposés pour justifier cette réforme ne résistent pas à un examen sérieux.

-  La protection actuelle des étrangers gravement malades est en effet d’ores et déjà encadrée par
des conditions et une procédure très strictes.
Elle concerne, après douze ans d’application, un "nombre
d’étrangers qui s’est stabilisé" (voir rapport au Parlement, les orientations de la politique de l’immigration,
Cici, 12/2009, p.61)
. La loi actuelle ne s’applique qu’aux étrangers résidant déjà en France et ne constitue
en aucun cas un moyen pour être autorisé à venir en France pour se faire soigner. Toutes les études
épidémiologiques démontrent d’ailleurs que la migration pour raison médicale demeure exceptionnelle.

-  Cette réforme serait financièrement coûteuse. Ses conséquences seraient également
extrêmement graves en termes de droit des personnes concernées et de santé publique
(voir dossier
complet ci-joint).
Le remplacement de la condition actuelle de « non accès effectif au traitement approprié dans le pays
d’origine » en seule « indisponibilité du traitement approprié » ne permettra plus de garantir qu’un
étranger gravement malade vivant en France puisse être effectivement soigné en cas de renvoi dans son
pays d’origine (objectif des lois de 1997 et 1998 repris dans les instructions ministérielles d’application qui
depuis 1998 prennent en compte les conditions effectives d’accès aux soins dans les pays d’origine).
Pour apprécier l’accès effectif aux soins, il faut en effet prendre en compte des facteurs multiples : l’état
des structures sanitaires du pays, l’offre quantitative de soins et leur couverture territoriale, le manque de
personnel médical, les ruptures fréquentes de stocks, le coût des traitements, l’existence ou non de
couverture maladie permettant une prise en charge financière, etc. Lorsque les traitements existent mais
que l’on ne vérifie pas si les malades peuvent les obtenir, il s’agit alors de disponibilité. Dans la plupart des
pays en développement, les traitements peuvent être disponibles (dans une clinique) mais ils sont très
rarement accessibles (réservés à l’élite).

-  Aucun changement récent dans l’application de la loi actuelle ne justifie cette réforme présentée
dans les mêmes termes par le gouvernement depuis plusieurs années pour ne plus avoir à tenir compte
des multiples facteurs faisant obstacle à l’accès effectif aux soins des étrangers gravement malades
résidant en France en cas de renvoi dans leurs pays d’origine (voir les mobilisations des professionnels de
santé, suite au rapport IGAS en 2002 et à l’avant projet de loi sur l’immigration en décembre 2005, ayant
entraîné dans le passé l’échec de ce même projet de réforme).

-  Quant à la jurisprudence du Conseil d’Etat d’avril 2010, elle n’a rien changé à l’interprétation de
la loi actuelle par les autorités médicales.
Dès 1998, le Ministre de l’intérieur écrivait en effet à l’ensemble
des préfets que "la possibilité pour l’intéressé de bénéficier ou non du traitement approprié à son état de
santé dans son pays d’origine dépend non seulement de l’existence des moyens sanitaires adéquats mais
encore des capacités d’accès du patient à ces moyens" (Circ. min. du 12 mai 1998 d’application de la loi sur
l’immigration du 11 mai 1998)
. Cette circulaire n’a jamais été contredite et a été réaffirmée par
instructions du Ministère de la Santé du 30 septembre 2005, du 23 octobre 2007 et du 29 juillet 2010. C’est
sur la base de ces textes prenant en compte de manière constante les possibilités concrètes d’accès aux
soins dans les pays d’origine que les autorités médicales examinent depuis plus de 12 ans les demandes de
régularisation des étrangers gravement malades résidant en France. La jurisprudence du Conseil d’Etat n’a
fait que rappeler la bonne application du droit face à certaines dérives dans les Préfectures. Le rapporteur
public au Conseil d’Etat avait d’ailleurs souligné à l’audience que le Ministère de l’Intérieur, en refusant que
soient prises en compte les possibilités effectives d’accès aux soins dans le pays d’origine, soutenait une
position contraire aux instructions générales qu’il avait données depuis plusieurs années à ses propres
services sur la base de la loi actuelle.

Les termes équilibrés des lois votées en 1997 et 1998 sont le résultat d’une longue réflexion tout au long
des années 1990 pour qu’elles remplissent un même objectif : éviter qu’une mesure d’éloignement et
qu’un refus d’admission au séjour en France ne signifient la condamnation à mort d’une personne malade.

dossier ODSE droit au séjour étranger malade

vendredi 25 mars 2011


L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), créé en mars 2000, est un collectif interassociatif
composé de : ACT UP PARIS / AFVS / AIDES / ARCAT / CATRED / CIMADE / COMEDE / CRETEIL-SOLIDARITE /
FASTI / FTCR / GISTI / LIGUE DES DROITS DE L’HOMME / MEDECINS DU MONDE / MEDECINS SANS
FRONTIERES / MOUVEMENT FRANÇAIS POUR LE PLANNING FAMILIAL / MRAP/ PASTT / PRIMO LEVI / SIDA
INFO SERVICE / SOLIDARITE SIDA

Documents joints

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