Le mouvement des infirmiers de Tenon (Paris 20e)

soutenu par un appel des médecins de l’hôpital

Depuis le 15 août 2010, même le recours à l’intérim a été bloqué parce qu’il coûtait trop cher. Aucune autre alternative au manque d’effectif n’a été proposée.

L’hôpital Tenon est chroniquement sous doté en personnel infirmier. A ce jour, 58 postes ne sont pas pourvus sur les 600 disponibles. Le dispositif interne de suppléance se limite à 9 infirmiers, la plupart des membres de l’équipe ayant quitté leur poste depuis un an.
Ce manque d’effectif est compensé depuis de longs mois par les efforts du personnel en place. Il est fréquemment arrivé que le personnel infirmier reste en poste plusieurs heures supplémentaires, faute de relève.

Devant cette situation, la direction du personnel a recours à des infirmiers intérimaires. Ce recours, couramment utilisé pendant les périodes de congés depuis quelques années, se généralise durant toute l’année particulièrement cette année. Le personnel intérimaire ne peut pas assurer les mêmes prestations quand ils ne connaissent ni les locaux ni les spécificités des services auxquels ils sont affectés. _ De ce fait, il est arrivé que des infirmiers intérimaires, recrutés en réanimation ou en soins intensifs, refusent d’assurer leur mission, considérant qu’ils n’avaient pas la formation suffisante pour l’assurer sans danger pour les patients, laissant le personnel soignant du service en sous nombre. Le recours à l’intérim, bien qu’il permette le maintien de l’ouverture des salles et donc l’accueil des patients, n’est pas une solution adaptée à une qualité optimale des soins ; il déstabilise de nombreuses équipes soignantes, même les plus motivées.

Depuis le 15 août 2010, même ce recours est devenu impossible, le financement de l’emploi intérimaire ayant été brutalement bloqué parce qu’il coûtait trop cher. Aucune autre alternative au manque d’effectif n’a été proposée.
Depuis, de nombreux lits ont été fermés, mais l’accueil aux urgences a été maintenu, de même que l’hospitalisation des patients habituellement suivis pour des soins urgents et lourds (sujets atteints de cancer, maladie rénale ou respiratoire). Ce maintien d’activité a provoqué l’engorgement de l’hôpital.

Le personnel soignant se sent pris dans une spirale infernale : maintien du nombre de patients entrants, diminution du nombre de lits disponibles, engorgement des services, épuisement prévisible des équipes !!
A ce jour, l’hôpital Tenon connait une crise inédite qui menace de compromettre la qualité et la continuité des soins. Certains soignants, de plus en plus nombreux, exaspérés, se demandent si la finalité d’une telle politique n’est pas de fermer l’hôpital Tenon ?
Peut-on imaginer une agglomération de plus de 190 000 habitants (pour ne parler que de la population du 20ème arrondissement) sans hôpital ??
Les hôpitaux des alentours n’auront pas la capacité d’accueillir nos patients, car eux aussi sont sous dotés en personnel soignant, et soumis aux mêmes restrictions budgétaires. Pour en témoigner, il a été difficile pour les équipes soignantes des hôpitaux voisins de gérer l’afflux imprévu de patients lors de la « mise en veille » des urgences de Tenon, la nuit du 2 octobre. Cette situation d’engorgement, véritable réaction en chaîne, a mis en lumière la crise des services des Urgences des hôpitaux de l’AP-HP. Les médecins urgentistes poussent un grand cri d’alarme.

La direction de l’hôpital Tenon nous a déclaré ne pas avoir d’autre solution que d’attendre le recrutement des élèves infirmiers à leur sortie d’école qui ne sera effective que dans 3 mois, de demander de l’aide aux infirmiers de suppléance des hôpitaux voisins alors qu’ils sont déjà en sous nombre, de faire appel au volontariat...et de recourir à nouveau aux intérimaires.
Nous savons tous que ces mesures seront insuffisantes pour enrayer cette crise. Nous savons tous aussi qu’à plus ou moins court terme, les hôpitaux de l’Est parisien seront dans l’impossibilité d’assurer les soins dont la population a besoin si la politique de diminution des effectifs sur tous les hôpitaux de l’AP-HP et plus particulièrement à l’hôpital Tenon, continue d’être appliquée. Seule la relance d’un recrutement de personnels soignants titulaires permettrait de redonner confiance à toute une communauté hospitalière.

Nous, médecins de l’hôpital Tenon, apportons notre soutien au mouvement du personnel soignant et demandons aux pouvoirs publics de répondre de toute urgence à sa demande.

Nous mettons en garde la population contre une politique de santé qui est contraire à notre éthique de soignants, et qui compromet l’accès aux soins pour tous.

Appel des médecins de Tenon

mercredi 20 octobre 2010


APPEL DES MEDECINS DE L’HOPITAL TENON
Signataires :
Aicha Abbas, Ingrid Alexandre, Corinne Amiel, Xavier Amiot, Jalal Assouad, Claude Bachmeyer, Jean-Philippe Bastard, Agnès Bellocq, Nadia Berkane, Jean-Jacques Boffa, Thomas Boisserie, Franck Boudghène, Eric Bouvard, Didier Brault, Nathalie Chabbert-Buffet, Sophie Chauvet, Magali Colombat, Annie Cortez, Marie Courbebaisse, Karine Dahan, Chantal Davoise, Jacques de Montblanc, Michel Djibre, Belen Eguia, Adoracion Esteso, Jean-Manuel Faintuch, Anne Fajac, Muriel Fartoukh, Pascal Favrole, Soraya Fellahi, Edouard Ferrand, Hafedh Fessi, Julie Fillon, Jocelyne Fleury, Grigoris Gerotzafias, Joseph Gligorov, Valérie Gounant, Alexandre Hertig, Virginie Huchet, Charlotte Jouzel, Khaldoun Kerrou, Antoine Khalil, Rateb Khayat, Sébastien Kissling, François Lacaine, Armelle Lavolée, Isabelle Lecomte, Guillaume Lefevre, Marine Lefevre, Sophie Le Nagat, Xavier Lescure, Pierre Levy, François Lionnet, Huguette Lioté, Valeria Loi, Betty Marro, Pauline M’Bappe, Bernard Milleron, Francoise Millot, Florent Montini, Ioan-Paul Muresan, Julie Peltier, Antoine Parrot, Carole Philippe, Yolaine Raffray, Christophe Ridel, Anne-Marie Ruppert, Olivier Steichen, Katia Stankovic Stojanovic, Marc Tassard, Brigitte Thiolière, Mohammed Tligui, Christophe Vincent-Cassy, Stéphane Vignes, Corinne Vigouroux.

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